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L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet

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Reif Larsen, T.S. Spivet

Hormis le fait que "L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet" de Reif Larsen est un roman absolument épatant à plus d'un titre, sa lecture me permet fort à propos d'alimenter à nouveau la rubrique "Bruits de pages", qui sommeillait doucement depuis un certain nombre de mois. Et si l'histoire  n'a pas vraiment de rapport avec la lutherie expérimentale ni même avec la musique, elle recèle néanmoins pages 97 et 98, un passage fort intéressant dans lequel l'auteur compare les bruits du train aux ingrédients d'un délicieux sandwich dont le palais de T.S. Spivet, héros de cette aventure, se souvient encore des années après l'avoir dégusté.

Reif Larsen

Résumé par l'éditeur :

T. S. Spivet est un jeune prodige de douze ans, passionné par la cartographie et les illustrations scientifiques. Un jour, le musée Smithsonian l’appelle : le très prestigieux prix Baird lui a été décerné et il est invité à venir faire un discours. À l'insu de tous, il décide alors de traverser les États-Unis dans un train de marchandises pour rejoindre Washington DC... Mais là-bas personne ne se doute qu'il n'est qu'un enfant. Muni d'un télescope, de quatre compas et des Mémoires de son arrière-arrière-grand-mère, T. S. entreprend un voyage initiatique qui lui permettra peut-être enfin de comprendre comment marche le monde... Notes, cartes et dessins se mêlent au récit avec un humour et une fantaisie irrésistibles.

Reif Larsen

Le Cheval de fer :

J'avais tellement l'habitude d'entendre les trains de marchandise de l'Union Pacific traverser la vallée deux ou trois fois par jour que, en temps normal, je ne les entendais même plus. Quand on ne guettait pas leur passage, quand on se concentrait sur le crayon qu'on taiilait ou sur le specimen qu'on examinait à la loupe, leurs lointaines vibrations passaient inaperçues, perdues pour nos oreilles comme tant d'autres sons auxquels on ne prêtait pas attention : le bruit des respirations, le chant des criquets, le ronflement intermittent de notre réfrigérateur.

Mais là, c'était différent : j'attendais le Cheval de Fer, et son curieux grondement s'est emparé de tous les synapses de mon cortex sensitif.

Au fur et à mesure que le bruit s'amplifiait, j'ai commencé à dissocier ses différents composants. Il y avait d'abord cette vibrzation profonde, presque imperceptible du sol sur laquelle se superposaient, unis dans une alchimie parfaite comme les ingrédients d'un délicieux sandwich, le clckety-clack des roues contre les soudures du rail, le ronronnant  bweurra-bweurra des turbines du moteur Diesel et l'irrégulier licka-tim-tam des attelages. Et à tout cela s'ajoutait un frémissement métallique strident, envahissant, semblable au bruit de deux cymbales frottées très vite l'une contre l'autre, hizzleshimsizzleshim-hizzleshimsizzleshim, fruit du contact tressaillant, sans cesse rompu et renouvelé, révisé et ajusté, du train contre les rails et des rails contre le train. Tous ces sons s'amalgamaient parfaitement pour former celui d'un train à l'approche, lequel constituait l'un des rares sons élémenterres existant sur cette Terre (parmi peut-être une dizaine d'autres).

Reig larsen

 

Autres sons élémentaires : le tonnerre ; le tick tick tick de l'allume-gaz ; le couninement en deux temps de l'avant-dernière marche du perron ; le rire (enfin, pas n'importe lequel : je crois que je pense à celui de Gracie, quand elle se mettait à glousser sans pouvoir s'arrêter, que tout son corps se contractait et qu'on avait l'impression qu'elle redevenait petite fille) ; le vent qui balayait les champs de foin, surtout en automne, quand les feuilles tombaient avec un léger froissement sur les tiges barbues, les coups de feu, le grattment d'une plume Gillot sur du papier neuf.




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